Benoit Bretteville : Islamophobie ou prolophobie – Discussion 10 mars
Les Amis du Monde Diplomatique organise le 10 mars avec la Belle Etoile dans le cadre de la Dionyversité un débat se référant à l’article de Benoit Bretteville dont vous trouverez des extraits ci-dessous. Très intéressant ! Bill
Au lendemain des assassinats perpétrés à Charlie Hebdo et dans le magasin Hyper Cacher, des élèves ont refusé d’observer la minute de silence en hommage aux victimes. Un des arguments avancés par les récalcitrants touchait aux « deux poids, deux mesures » de la liberté d’expression en France : pourquoi parle-t-on autant de cette tuerie alors que des gens meurent dans l’indifférence au Proche-Orient ?
Pourquoi Charlie Hebdo pourrait-il injurier une figure sacrée de l’islam quand Dieudonné se voit interdire de critiquer les juifs ?
[…]
A n’en pas douter, la formation proposée reprendra l’argument développé par les principaux médias et partis politiques depuis le début de l’affaire des caricatures : il existe une différence de nature entre des dessins considérés comme blasphématoires par des croyants et des propos antisémites constitutifs d’un délit car portant atteinte à la dignité des personnes. Il est également probable que l’explication ne fera pas taire tous les rebelles.
Car le cas de Dieudonné et des caricatures masque un problème plus profond : des éditorialistes et des intellectuels comme Alain Finkielkraut, Eric Zemmour, Philippe Tesson, mais aussi des journaux comme Le Point, L’Express, Valeurs actuelles ou encore Le Figaro, peuvent afficher leur rejet de l’islam, tantôt décrit comme une croyance rétrograde, tantôt comme une « menace pour l’identité de notre pays » — selon les mots d’un sondage commandé par le site Atlantico.fr, dont on peine à imaginer qu’il évoque de la sorte une autre religion.[…]
Ce fonctionnement de la liberté d’expression est interprété de diverses manières. Certains le justifient par le génocide juif et un antisémitisme séculaire au sein de la société française […] Pour d’autres, il reflète une islamophobie profondément ancrée dans les mentalités, héritée de la période coloniale, qui rend tolérables aux yeux de tous les propos hostiles aux musulmans.
Quant à eux, les adeptes des théories du complot voient dans ce déséquilibre le signe de la prétendue mainmise des juifs sur les médias et les organes de pouvoir : en alimentant la haine de l’islam, le « lobby juif » légitimerait les interventions occidentales dans le monde arabe pour, au final, favoriser les desseins d’Israël ou de Washington. Ce type de discours, produit et relayé par les sites d’Alain Soral ou de Thierry Meyssan, rencontre un succès grandissant. Il profite, pour s’implanter dans les esprits, du vide théorique et politique laissé par le reflux des formations progressistes.
Ces interprétations, pour différentes qu’elles soient, reposent sur une même approche ethnoculturelle, qui définit les groupes sociaux selon leurs origines ou leurs religions (les « juifs », les « musulmans », les « Arabes »…). Mais le « deux poids, deux mesures » observé en matière de discours stigmatisants se prête à une tout autre lecture, essentiellement sociale. Les juifs sont implantés en France de très longue date, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne. Beaucoup s’installent entre la fin du XIXe siècle et le début de la seconde guerre mondiale, fuyant les pogroms et la montée du nazisme en Europe centrale et orientale.
Ouvriers, artisans ou petits commerçants, les juifs arrivés dans l’entre-deux-guerres vivent souvent dans des quartiers pauvres et délabrés, où ils se heurtent au racisme de leurs voisins français. Comme nombre de réfugiés, ils disposent parfois d’un capital culturel supérieur à la moyenne de leur pays d’origine (un trait également observé parmi les réfugiés afghans, syriens ou africains).
Puis une nouvelle vague, issue de la décolonisation de l’Afrique du Nord, se produit après 1945. Au fil des décennies, certains descendants de ces premiers arrivés s’élèvent dans la société, au point d’occuper aujourd’hui des postes de pouvoir, notamment dans les milieux journalistique, politique et universitaire — c’est-à-dire ceux qui produisent, orientent et contrôlent les discours publics.
Les immigrés de culture musulmane, eux, sont plus nombreux à arriver en France après la seconde guerre mondiale, et surtout à partir des années 1960, en provenance du Maghreb puis d’Afrique subsaharienne, parfois recrutés par l’industrie en fonction de critères physiques. Leurs enfants et leurs petits-enfants grandissent dans une société en crise, frappée par un chômage de masse et une précarité croissante dont ils sont les premières victimes et qui amenuisent leurs chances d’ascension sociale.
Si certains se hissent au rang des classes moyennes et même supérieures, ils demeurent globalement peu représentés dans les plus hautes sphères (2). Fréquemment attaqués par les médias et les dirigeants politiques, les étrangers et les Français musulmans ont peu d’armes pour se défendre dans l’arène publique, ce qui permet au discours raciste de fonctionner à plein régime.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Roms, groupe le plus dépourvu de ressources pour s’opposer aux discours stigmatisants, font l’objet d’attaques plus rudes encore, […]
Ainsi la condition sociale détermine-t-elle puissamment la perception des migrants comme celle de leurs descendants, […] Pourtant, depuis trente ans, cette grille de lecture est de moins en moins mobilisée : on lui préfère une analyse culturelle, qui envisage les problèmes des migrants selon des critères d’origine.
Le tournant intervient entre 1977 et 1984. Pendant les trois décennies précédentes, la thématique de l’immigration est peu présente dans les discours publics. […] Loin de ses positions des années 1930, la droite salue alors l’apport des travailleurs étrangers.
La situation change avec la crise économique en 1975 et, plus encore, après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. En moins de trois ans, la question des « travailleurs immigrés » cède le pas au « problème des Arabes », de la « deuxième génération » et, par ricochet, des musulmans. Des événements qu’on analysait autrefois de manière sociale sont désormais abordés selon un biais ethnique.
En juillet 1981, des jeunes affrontent la police dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise (6). Comme en 1976 et en 1979, mais, à l’époque, la presse locale avait cantonné l’affaire à la rubrique « faits divers ». Passée dans l’opposition, la droite entend cette fois profiter de l’événement pour affaiblir le nouveau gouvernement, qui vient de régulariser cent mille clandestins.
Aussi transforme-t-elle ces affrontements en fait de société, témoignant du « problème de l’immigration », alors même qu’on pouvait y voir le résultat de la dégradation physique et sociale des grands ensembles de logements sociaux ou du désœuvrement des jeunes dans un contexte de chômage endémique et de « désouvriérisation » massive. […]
Ce discours se teinte d’une coloration religieuse au moment des grèves dans l’industrie automobile — un secteur durement touché par la crise, dans lequel la main-d’œuvre étrangère constitue plus de la moitié des effectifs. Le mouvement commence à l’automne 1981 et atteint son point culminant en 1983-1984. Ce qui n’était au départ qu’un simple conflit du travail, rappelant par certains aspects le mouvement de grève spontané qui naquit de la victoire du Front populaire en 1936, est alors présenté comme un affrontement culturel. Sous prétexte qu’ils demandent, entre autres, l’ouverture de salles de prière dans les usines — une pratique encouragée par le patronat dans les années 1970, qui y voyait un moyen d’assurer la paix sociale (7) —, le gouvernement et la presse accusent les grévistes d’être manipulés par les ayatollahs iraniens. […]
Même son de cloche au Figaro, qui ajoute : « Les plus optimistes comptent sur les facultés d’assimilation des populations étrangères, comme cela s’est produit dans le passé avec les colonies italiennes et portugaises. Mais l’exemple n’est hélas plus valable. L’origine culturelle de la nouvelle immigration constitue un obstacle difficile à surmonter. » Or les Portugais n’ont pas toujours eu aussi bonne presse. Longtemps leurs pratiques religieuses ostensibles et empreintes de superstition leur furent reprochées, au point qu’ils furent décrits, dans l’entre-deux-guerres, comme une « race exotique », plus difficile à intégrer que les Italiens (8). Lesquels furent, auparavant, jugés moins intégrables que les Belges…
Quand elle ne s’aligne pas sur la position de ses adversaires, la gauche des années 1980 répond aux attaques contre l’immigration maghrébine en valorisant la « culture beure », reprenant, de manière inversée, le discours culturaliste de la droite. Libération, […]rôle actif dans cette entreprise, ouvre dès septembre 1982 une rubrique « Beur » […]
Puis le quotidien soutient activement la Marche pour l’égalité et contre le racisme, qu’il rebaptise « Marche des beurs » et dont il détourne le sens, et accompagne la création de SOS Racisme par des proches du Parti socialiste, contribuant ainsi à déplacer le regard de la lutte pour l’égalité à celle contre les discriminations. Le Monde se réjouit que « les enfants de la seconde génération immigrée s’emparent de la chanson, du cinéma, du théâtre » (4 juillet 1983), tandis que l’hebdomadaire Marie-Claire célèbre la « crème des beurs » (avril 1984). Mais, si la culture de l’élite gagne en légitimité, la base, dont les conditions d’existence se dégradent sous l’effet de la désindustrialisation, reste en butte au mépris.
En moins de trois ans, le débat sur l’immigration a été vidé de son contenu social. Depuis ce renversement, les étrangers et leurs descendants sont sans cesse rappelés à leur « communauté », à leur religion, […] Les sujets directement liés à l’immigration (le racisme, les discriminations, etc.) sont abordés comme des problèmes culturels, alimentant les préjugés, le fantasme d’un « choc des civilisations » et la poussée de l’extrême droite.[…]
Or le sentiment d’appartenance à une « communauté » arabe ou musulmane n’est pas une donnée naturelle. Il se construit au fil des politiques publiques (création de structures comme l’Union des organisations islamiques de France, en 1983, financement d’associations…), mais aussi de ces événements qui renvoient les populations immigrées à leurs origines. A cet égard, la guerre du Golfe (1990-1991) a joué un rôle fondateur.
Alors que les bombardiers alliés décollent vers Bagdad, quelques élèves de collège et de lycée dénoncent la domination de l’Occident et affichent leur solidarité avec le monde arabe. […] Ces réactions, très minoritaires, déclenchent aussitôt un débat sur la loyauté des enfants d’immigrés. « Quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, le beur de Saint-Denis se sentira toujours proche de ses frères qui conspuent la France dans les rues d’Alger et de Tunis », écrit Le Figaro Magazine (25 janvier 1991).
Par réaction, les enfants d’immigrés affirment davantage leurs origines et leur religion stigmatisées. Selon les sociologues Stéphane Beaud et Olivier Masclet, cette guerre joue « un rôle important dans la construction d’une conscience plus “raciale” que sociale chez les enfants d’immigrés maghrébins, d’autant plus enclins à penser la société sous la forme d’oppositions successives — Eux/Nous, Occidentaux/Arabes, Français/immigrés, riches/pauvres, etc. — qu’ils sont eux-mêmes marqués par leur expérience de diverses formes de relégation (10) ».
L’idée que les populations arabe et noire posent un problème inédit dans l’histoire de l’immigration a progressivement gagné l’ensemble du spectre politique. Elle divise même la gauche radicale, dont certains courants postulent la singularité des immigrés « postcoloniaux » et de la manière dont ils seraient perçus par les « Blancs ». « Le traitement des populations issues de la colonisation prolonge, sans s’y réduire, la politique coloniale », indique l’appel des Indigènes de la République lancé en 2005. « C’est bien en tant qu’Arabes, que Noirs ou que musulmans que les populations issues des anciennes colonies sont discriminées et stigmatisées (11) », estime Sadri Khiari, l’un des fondateurs du mouvement.
Selon lui, la « violence spécifique dont les Noirs et les Arabes sont l’objet ou qu’ils portent dans leur mémoire en tant que descendants de colonisés et émigrés-immigrés (…) détermine des revendications qui n’appartiennent qu’à eux,[…]
Ce discours, qui contribue à mettre en concurrence des causes légitimes (celle des classes populaires « blanches » et celle des « minorités ») en privilégiant ce qui les sépare au détriment de ce qui les rapproche, s’appuie sur un postulat discutable : si les Noirs et les Arabes sont discriminés, est-ce essentiellement en fonction de leur couleur de peau ou bien en tant que pauvres ? L’exemple des « contrôles au faciès », à l’origine de fréquents affrontements entre jeunes et policiers, éclaire la problématique.
En 2007-2008, deux sociologues ont suivi discrètement des patrouilles de police aux abords des stations de métro Gare-du-Nord et Châtelet – Les Halles, à Paris (13). Passant au crible cinq cent vingt-cinq contrôles, ils constatent que les personnes identifiées comme « noires » ou « arabes » ont respectivement 6 et 7,8 fois plus de risque d’être contrôlées que les Blancs.
Mais une autre variable s’avère tout aussi déterminante : l’apparence vestimentaire. Les personnes vêtues d’une « tenue jeune », en particulier celles qui arboraient un « look hip-hop », présentent 11, fois plus de risque d’être contrôlées que celles portant une « tenue de ville » ou « décontractée ». Autrement dit, un « Blanc » avec un survêtement et une casquette — la panoplie de la jeunesse populaire de banlieue — est plus exposé à la répression policière qu’un « Noir » portant un costume et une cravate.
Évidemment, la frontière entre ces variables n’est pas étanche. La jeunesse d’origine immigrée est nettement surreprésentée dans la population affichant un « look hip-hop ». Les discriminations raciales s’ajoutent aux inégalités sociales pour les renforcer, rendant ces deux problèmes indissociables. Le choix d’insister sur tel ou tel critère — la couleur de peau ou l’appartenance aux classes populaires — est à la fois politique et stratégique. Il participe de la définition des fractures de la société française. Souligner la composante sociale des inégalités permet de combattre l’idée que les populations d’origine maghrébine et africaine constitueraient un problème spécifique, totalement distinct des précédentes vagues migratoires et des classes populaires dans leur ensemble.
Benoît Bréville, février 2015 – Le monde Diplomatique à consulter dans son intégralité et avec les références ici
Brillant ! Approche analytique, crue et dépassionnée. J’aime !
Si on pouvait avoir des femmes et hommes politiques aussi éclairés… snif
Texte très bien fait, et c’est la réalité
@tous
Je vous conseille de lire l’article dans son intégralité. Malgré la longueur de l’article restant, j’ai sabré (avec beaucoup de difficultés 😉 des parties aussi intéressantes. Notamment lorsqu’il explique la différence de perception des immigrés en fonction du contexte et fait une comparaison sur l’émigration russe et arménienne.
A travers cet article, on voit que chaque vague d’immigration a connu ses difficultés, ses préjugés et prétendues « difficultés » d’intégration. La différence est que ces immigrés ont pu travailler, faire vivre leur famille, éduquer leurs enfants et potentiellement offrir un meilleur avenir à leurs enfants nés ou devenus français.
Maintenant, avec un ascenseur social en panne, les enfants de travailleurs pauvres ou chômeurs ont beaucoup moins de chances de trouver leur place dans la société économique (et n’ont plus la nationalité automatique). On rajoute à cela le fait qu’ils soient relégués sur un territoire « ghetto » et après on ne comprend pas qu’ils ne maitrisent pas les codes de notre société alors qu’ils n’y sont admis qu’à la marge et que la relégation territoriale les coupe de la société française moyenne.
Au final, quelles sont leurs références quand on parle de république ? D’égalité des droits ? De démocratie ? De culture ? Que fait-on pour leur faire aimer leur pays ? Rien. Ce problème n’est il lié qu’aux émigrés ? Non. Allez faire un tour dans les milieux ruraux ou dans toutes les villes, vous trouverez des français pauvres, limite analphabètes, très éloignés de la place publique, très dépendants des services sociaux et inadaptés à notre société de performances. Et statistiquement, les chances que leurs enfants reproduisent le modèle sont très élevées…
Ce problème ne se pose pas dans les familles avec des racines étrangères qui ont pu accompagner leurs enfants dans leur scolarité et pour comprendre le système français. Leurs enfants ont réussi leur intégration dans la société française aussi bien (ou mal) qu’une famille moyenne plus ancienne.
On dit souvent que les enfants de professeur sont ceux qui réussissent le mieux leur scolarité grâce à leur connaissance du système. Une famille pauvre, marginalisée socialement, sans expérience du système éducatif et quelle que soit la religion (ou pas) pratiquée (ou pas) aura beaucoup moins de chance de voir sa situation sociale s’améliorer.
Cela me semble le combat de base à mener pour une vraie égalité des chances.
L’analyse de Benoît Bréville est intéressante, mais elle a le défaut de reprendre une approche qui donne la priorité aux positions sociales, aux « classes sociales », et de sous-estimer le rôle des valeurs (et donc, pour certains, des religions) dans les comportements des individus.
Je pense que l’article de Jean Birnbaum dans « Le Monde » du 3 mars apporte des élèments nouveaux et bien plus éclairants.
Quelques extraits de cet article :
« Les femmes et les hommes qui peuplent (les) groupes militants (de la gauche française), ses cercles de réflexion ou ses cabinets ministériels en sont revenus à une conception rudimentaire de la religion : quand ils s’y intéressent, c’est pour la rabattre immédiatement sur autre chose qu’elle-même. A leurs yeux, la religion n’est qu’un symptôme du malaise social, une illusion qui occulte la réalité des conflits économiques. Leur idée de la croyance religieuse relève ainsi d’une vulgate marxisante qui (…) ne rend pas justice à Marx, dont la pensée sur le sujet est bien plus riche.
Incapable de prendre la religion au sérieux, comment la gauche comprendrait-elle ce qui se passe actuellement, non seulement le regain de la quête spirituelle mais surtout le retour de flamme d’un fanatisme qui en est la perversion violente ? »
« Evidemment, il n’est pas question de nier que le djihadisme ait des causes économiques et sociales. Mais à ignorer sans cesse sa dimension proprement religieuse, on se condamne à l’impuissance. Les fous de Dieu le répètent : ce qui est en jeu, dans leur esprit, c’est une certaine polarisation du sacré et du profane, un partage du bien et du mal. Et ce qui devrait intriguer tous ceux que cette violence frappe, c’est moins ses racines sociales que sa remarquable autonomie par rapport à elles. »
http://www.lemonde.fr/idees/article…
Le lien proposé par Suger sur le Monde étant réservé aux abonnés, vous trouverez l’article en intégralité ici
Bonjour,
Militant anarchiste à Saint-Denis depuis plus de 40 ans et initiateur de la Dionyversité, l’université populaire de St-Denis, je tiens simplement à préciser que notre intervention pour relancer les Amis du Monde Diplomatique s’inscrit dans une démarche laïque, rationaliste et anti-religieuses (au pluriel).
Pour compléter les commentaires de l’abée « Suger » nous ne pensons pas que la spiritualité de par son irrationalité puisse être un critère de compréhension du Monde. Cela ne veut pas dire que la spiritualité ne soit pas un espace d’équilibre pour certains ou certaines mais tout simplement que ce n’est pas à partir de ce concept que l’on pourra réaliser une société faite de fraternité et de compréhension… Tout au contraire et c’est pour cela qu’il faut combattre TOUTES les religions cherchant à intervenir sur le champ politique.
Notre propos en appelant à un débat sur « islamophobie ou prolo-phobie » était bien de remettre en place des clés simples de compréhension de la situation actuelle et comme le dit Benoit Bréville de constater, tout simplement, qu’une immigration, qu’elle soit Bretonne, Belge, Italienne, Portugaise, d’Algérie ou du Sénégal ne pourra intégrer les valeurs morales et sociales issues de notre histoire et de nos luttes qu’à partir de l’instant ou l’activité salariée lui permettra d’avoir une place dans la société.
En d’autres termes, la problématique actuelle est sociale et non pas sociétale.
Jean-Claude
Il n’y a pas d' »abée » ni d’ailleurs d’ « abbé suger » sur ce blog, par contre il me semble que la Dionyversité est une association qui à travers des conférences cherche à susciter les débats et non à caricaturer les analyses de ceux qui y participent. La démarche de Jean Birnbaum est, elle aussi, une démarche laïque et rationaliste faite pour comprendre le réel et non pour définir ce que devrait être une société future…
Il tente de rappeler qu’une analyse uniquement en termes de positions sociales (les « rapports de production » comme disent les marxistes) est vouée à l’échec. En effet, la dimension idéologique doit aussi être prise en compte pour comprendre les comportements individuels et collectifs. Cette dimension idéologique renvoie à l’attachement à des idées (antiracisme, féminisme, rationalisme, défense des libertés de pensée et d’expression ou leurs contraires…). Chaque individu, groupe d’individus ou société a ainsi sa propre culture (au sens des sociologues, un ensemble de valeurs et de normes de comportements) et cette culture, dont les religions, n’est pas réductible à des positions sociales.
C’est en prenant aussi cet aspect que la réalité de nos sociétés est compréhensible et que l’on peut agir en faveur des droits humains contre ceux qui s’y opposent.
Spiritualité c’est selon le Robert « caractère de ce qui est spirituel, indépendant de la matière » Il me semble qu’il ne faut pas confondre spiritualité et religiosité sous toutes ses formes qu’elles aient une transcendance ou pas. C’est pourquoi on peut dire que le communisme fût une religion terrestre puisqu’il nous promettait un avenir radieux qui non seulement n’est jamais advenu mais a sombré dans l’une des pire dictatures du XXè siècle.
De nos jours il semble que l’Europe soit devenu une croyance de type religieuse puisqu’en discutant ce dimanche avec un militant socialiste j’ai encore entendu de sa bouche les illusions répandues au nom de l’Europe depuis le traité de Maastricht en 1992.
Je crains que même notre ami anarchiste ne croie, un peu tout de même, en l’Europe parce qu’elle est sensée dépasser les états et les nations mais en créant un monstre bureaucratique sans réel consentement populaire voire un déni démocratique comme celui du 29 mai 2005. Il est vrai que le peuple votant « mal » nos élites se permettent de ne pas en tenir compte. De plus la négation des états et des nations ne fait que produire son effet inverse: un nationalisme de plus en plus fort tel le Front national. Cependant en raison du vieux slogan anar « élections, piège à cons », alors qu’il ne peut être favorable à cette Europe-là mais il ne peut vraiment la combattre et doit se contenter de voir en oeuvre tous ses aspects malfaisants. Au moins il n’a pas cette illusion propre à toute la gauche de la transformer de l’intérieur, par une « Europe sociale » ce vieux mensonge, ce faux prétexte pour entériner tous les règles d’airain du libéralisme économique inspiré de Margaret Thatcher et Ronald Reagan donc une pensée de droite, gravée dans le marbre des textes fondateurs