LeJSD – « Contre l’asphyxie programmée de nos collectivités »

P. Braouezec« (…) Rien ne serait pire que de voter une loi dont beaucoup, y compris certains de ses auteurs pensent qu’elle n’est pas applicable… Ce sont ces affichages politiques sans lendemain dont les gens ont assez, cela crée le terreau du FN. »… ?!!!
S’il y a bien une politique qui nourrit les extrêmes c’est bien celle de l’idéologie, de la démagogie, du déni de la réalité et de la banalisation…St Denis en est malheureusement la vitrine !
Sam

LeJSD – « Contre l’asphyxie programmée de nos collectivités »

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Le Sénat doit débattre du texte sur la Métropole de Paris début octobre et mercredi dernier vous avez été auditionné par sa commission les lois. Peut-on parler d’évolution en cette rentrée sur ce dossier confus depuis le vote du projet de loi présenté par des parlementaires socialistes en juillet dernier ?

Patrick Braouezec. Il n’y a pas réellement d’évolution. Depuis quatre ans, au sein de Paris Métropole, qui regroupe 207 élus d’Île-de-France, de toute tendances politiques, nous avons dessiné ce que pourrait être une métropole du Grand Paris, avec l’objectif de trouver des réponses aux grands défis économiques, sociaux et écologiques. 4 ans de travail commun nous ont amené à partager un diagnostic et à faire des propositions pour construire une métropole à la fois attractive et solidaire, en capacité de mieux répondre à l’exigence de qualité de vie sur l’ensemble de ses territoires, en priorité dans les banlieues populaires. Pour ma part, j’ai travaillé à faire accepter par tous que l’ensemble des territoires et des habitants comptent, quel que soit leur lieu de vie.

Un premier texte de loi est venu devant le Sénat. Il n’était pas totalement satisfaisant, mais pour l’essentiel permettait de construire une métropole à la fois dynamique et solidaire s’articulant sur les communes et leurs intercommunalités. En séance, plusieurs articles concernant la métropole parisienne ont été mis en minorité. De ce fait, le Sénat n’a adopté aucunes des dispositions pour la métropole de Paris.

L’Assemblée aurait pu rétablir le texte initial…

Patrick Braouezec. Oui, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Quelques députés PS dont Mathieu Hanotin, nostalgiques de l’ex Seine, à l’instar du sénateur UMP P. Dallier, ont présenté un nouveau texte, à rebours de la démarche constructive et collective de Paris Métropole, en organisant un ’’putsch parlementaire’’. Il institue une structure technocratique, liquidant les communautés d’agglomération en les transformant en ‘’conseils de territoire’’ sans personnalité juridique et morale ni ressources propres. Depuis, de nombreux élus ( Front de gauche, mais aussi PS et EELV ainsi que de droite) mettent en garde contre l’asphyxie programmée de nos collectivités et des dynamiques qu’elles portent.

Mais c’est un des arguments des promoteurs du texte justement, qui disent qu’une telle structure permettra de mieux construire des logements, et d’organiser le territoire…

Patrick Braouezec. Avec au minimum 6,5 millions d’habitants (Paris et les trois départements de la petite couronne), aussi vaste en population que l’addition des Métropoles de Marseille, Bordeaux, Lyon, Lille, Toulouse, Rennes, Nantes, Strasbourg, Montpellier, on crée un monstre bureaucratique.
Les compétences transférées volontairement par les communes aux agglomérations actuelles remonteraient à la métropole : logement, propreté, voirie, zones d’aménagement, environnement et donc marchés publics, gestion des personnels.
La métropole décidera de tout, et les communes n’y auront qu’une poignée de représentants, dilués dans une assemblée où de fait elles n’auront plus leur mot. On exclut des lieux de décision les citoyens, et même leurs élus locaux qui auront de moins en moins de possibilités d’intervenir sur la vie quotidienne et qui seront privés de toute maitrise sur des projets stratégiques essentiels pour leur devenir.

Plaine Commune, avec les 9 villes de l’agglo, s’apprête à signer à la fin de l’année son Contrat de Développement Territorial avec l’Etat, qui prévoit de construire 4200 logements, en lien avec les nouvelles gares et les nouveaux pôles de centralité sur notre territoire et un potentiel d’emplois régénéré. Je ne vois pas comment le signer en engageant l’agglomération pour des années alors qu’elle n’existerait plus au 1er janvier 2016. Cette loi aura aussi pour premier résultat de paralyser les dynamiques territoriales. C’est le travail en intercommunalité qui a donné de la force et des moyens aux politiques locales et des perspectives aux habitants, ainsi qu’une cohérence par delà les frontières des villes.

Il est très surprenant qu’un tel modèle hyper centralisé et hiérarchisé, puisse être présenté comme une avancée moderne. Imposer un tel modèle de développement d’en haut nous ramène aux temps de la délocalisation autoritaire de l’industrie francilienne, des tranchées et fractures autoroutières. C’est le choix d’un hyper centre métropolitain marginalisant une nouvelle périphérie. C’est la certitude d’une explosion du foncier et de l’exclusion toujours plus loin de la centralité des populations qui vivent ici.

Tout est-il déjà joué ?
Patrick Braouezec. Non. Que des parlementaires aient considéré qu’il fallait un électrochoc, c’est concevable, à condition de ne pas vouloir tuer le patient. Rien ne serait pire que de voter une loi dont beaucoup, y compris certains de ses auteurs pensent qu’elle n’est pas applicable… Ce sont ces affichages politiques sans lendemain dont les gens ont assez, cela crée le terreau du FN.
C’est un appel à la raison que nous avons lancé. Et la raison c’est une métropole de Paris polycentrique et qui se construit à partir du réel, des intercommunalités existantes, des dynamiques de territoire. Elle doit les fédérer pour enfin répondre aux urgences, telles le logement.

Propos recueillis par Gérald Ross – Publié le 16 Sept. 2013