LeParisien – « Le théâtre épinglé sur son statut »
Le TGP est géré par une société privée, Etonnant…
Sam
LeParisien – « Le théâtre épinglé sur son statut »
La chambre régionale des comptes d’Ile-de-France (CRC) a rendu public hier son rapport sur la gestion du Théâtre Gérard-Philipe (TGP) de Saint-Denis. Ce centre dramatique national, l’un des trois du 93 (avec Aubervilliers et Montreuil), a été audité par les magistrats sur une période allant de 2006 à 2011 (de la précédente équipe à celle de Christophe Rauck). La CRC a constaté plusieurs anomalies.
(…) La CRC s’étonne que le TGP soit géré par une société anonyme, autrement dit une structure privée, alors que les recettes proviennent majoritairement de subventions publiques. Ce statut « affaiblit le contrôle des financeurs publics et interdit au TGP l’accès au mécénat », relèvent les magistrats. Le budget annuel du théâtre s’élève à 3,75 M€. L’Etat verse 1,72 M€, la ville de Saint-Denis 919 000 € et le conseil général, 480 000 €. La CRC préconise de changer le statut en établissement de coopération culturelle. « Je suis entièrement d’accord. C’est une aberration qui remonte aux débuts des centres dramatiques nationaux », explique Nathalie Pousset, la directrice adjointe de Christophe Rauk. « La très grande majorité des centres dramatiques nationaux sont plus précisément en SARL », confirme aussi Emmanuel Constant, vice-président PS du conseil général en charge de la culture. « C’était une façon pour l’Etat d’établir un lien privilégié et sans intermédiaire entre le ministère et les artistes. » L’élu poursuit : « Dans tous les cas, ce statut ne nous empêche pas un contrôle et de couper les vivres, si nécessaire. » Un licenciement trop coûteux en 2008. Les magistrats relèvent le licenciement d’un directeur adjoint dans des conditions inutilement coûteuses pour le théâtre. Le TGP répond. « C’est à l’arrivée de Christophe Rauck. Le directeur adjoint de l’ancienne équipe, qui n’avait pas terminé son mandat, a négocié son départ », explique Nathalie Pousset.
(…) Les magistrats remarquent que la redevance (500 € par mois) versée par la société qui gère le bar du TGP est « économiquement désavantageuse pour le TGP ». « C’est un choix de notre part. Si le loyer était plus cher, fatalement le coût de la restauration serait plus élevé. Et du coup les habitants de Saint-Denis seraient pénalisés », commente Nathalie Pousset.
(…) Les magistrats constatent que le TGP n’a pas rempli ses obligations minimales de créer deux nouvelles productions chaque année. Pendant la période examinée, la CRC constate qu’il y a eu à peine 60 spectacles différents, alors qu’il aurait dû y en avoir 180. « Nous avons repris une gestion qui était en déficit depuis l’époque de Stanislas Nordey (NDLR : l’ancien directeur du TGP). Nous n’avons pas pu produire autant de spectacles que nous aurions voulu. Cela coûte de l’argent. Et nous étions préoccupés par la nécessité de faire attention à notre budget », justifie Nathalie Pousset.
MP Bologna et C. Guédon – Le 2 Février 2013
Il serait intéressant de savoir le nombre de dionysiens qui vont assister à un spectacle du TGP dans l’année, sachant que la subvention de la ville à cette société privée se monte à 919 000 €, d’autant plus que les travaux d’entretien et de rénovation sont, je crois, à la charge de la ville.
D’autre part, puisque la directrice adjointe du TGP déclare avoir le souci de ne pas pénaliser les dionysiens quant au coût de la restauration, elle pourrait pousser cette sollicitude louable jusqu’à la sécurité de leurs déplacements : une navette gratuite est disponible tous les soirs pour les spectateurs parisiens, leur évitant prudemment de prendre les transports en commun le soir, mais les dionysiens n’ont droit à une navette que deux soirs par semaine. Il est vrai que la fréquentation parisienne du TGP doit être sans commune mesure avec celle des dionysiens…
Ouf je suis rassuré, c’est encore de la faute des autres ….
Si je comprends bien, si il est prouvé, et apparemment vous le sous entendez @suger, ça l’est, que les spectateurs parisiens sont plus nombreux que les spectateurs dyonisiens, le mieux serait donc de fermer le théâtre ?
@Lazare : Bien au contraire, ce théâtre doit vivre mais en étant encore plus (du moins à la hauteur des subventions municipales) le théâtre des dionysiens. Des efforts ont été accomplis dans ce sens. Il faudrait que la direction du TGP poursuivent et amplifient ces efforts, notamment par rapport au choix de la programmation.
Je n’ai jamais autant amené mes élèves (du lp autant que du lycée technique) au TGP que les trois dernières années, et trouvé que les créations que nous voyions étaient originales, vivantes, diversifiées. Quand Stanislas Nordey et Valérie Lang avaient essayé d’ouvrir le théâtre à la population, multipliant les expériences entre la salle et la ville, les cités, ils avaient peu de public et un déficit croissant. Dernièrement, le choix de la qualité et le renouvellement de la restauration en ont à nouveau fait un lieu dionysien de spectacle vivant qui mérite le détour (en plus : l’ opéra, et le jazz !).
Que les parisiens, qui sont toujours venus, et heureusement, contribuent fortement au remplissage,n’est pas un problème.
Fermer le theatre, non surtout pas perso c’est un des lieux qui me rends fier d’habiter ici ! Alors oui on me retorquerat que il y a plein de problemes je sais mais c’est pas en voyant tout en noir que la situation s’ameliorera, Saint-Denis regorge de potentiels non exploités et auquels les habitants de Paris ne sont pas sensibilisés, perso rien que ce week end quand j’ai fait la popote en revenant du marché, mes amis m’ont demandé ou j’avais choppé autant de trucs bon.
Resultat ils viennent au marché dimanche prochain, c’est aussi à nous d’être les ambassadeurs de notre ville 🙂
@thierryb: Si, c’est un problème. Le total des subventions publiques se montent à 3,119 M€ (pour un budget global de 3,75 M€). N’ayant trouvé aucune information sur le nombre de spectateurs, supposons qu’ils soient 60 000 dans l’année, cela signifierait que chaque place représente environ 52€ de dépenses publiques (et s’ils sont 30 000, ce serait 104€). Or l’offre théâtrale publique est très importante à Paris. L’existence d’une scène théâtrale à Saint-Denis n’a de sens que si ces subventions, notamment municipales, permettent d’offrir aux habitants de Saint-Denis en priorité la possibilité d’assister à des pièces de théâtre.
Admettons que l’on considère normal que le TGP accueille surtout des parisiens ou des franciliens, quel est alors l’intérêt pour la ville dans la mesure où ils ne font que passer une soirée au théâtre et ne vont pas ailleurs dans la ville ?
Ces subventions si importantes pourraient alors financer tout aussi bien, par exemple sous forme de chèques-théâtre pour 60 000 à 30 000 personnes (52€ ou 104€ ?), le déplacement de dionysiens pour des spectacles à Paris. Car la vraie question n’est-elle pas l’efficacité de l’utilisation de l’argent public pour permettre l’accès socialement le plus large au théâtre ?
Le seul souci qu’on peut avoir c’est qu’il y a effectivement des navettes pour les parisiens -alors que le théâtre est bien desservi question transports en commun- ce qui laisse à penser que la sécurité ou plutôt la dangerosité ( et si on veut encore plus rigoler le sentiment d’insécurité comme dirait cette chère Florence Haye!) n’est pas la même si on est parisien ou dionysien…..
@Suger, (très amicalement)
Bien sûr, vous avez raison, l’idéal serait que l’argent serve à la culture pour tous, comme Vilar ou Malraux l’ont souhaité. Les scènes nationales avaient effectivement vocation à apporter la création aux population où on les installait. Il ne faut pas sous-estimer le public, mais pas l’idéaliser non plus: le théâtre n’est pas considéré comme un lieu où il est « normal » d’aller pour bien des habitants.
Amusons-nous à polémiquer :
Mais d’une part, les dyonisiens qui vont à Paris voir des spectacles (je ne parle pas du boulevard et des comiques télévisuels) sont : les profs, les élèves emmenés par les professeurs, et le public cultivé et curieux, pas la majorité donc des habitants.
D’autre part, les dyonisiens qui vont au TGP sont : les profs, les élèves amenés par leurs enseignants, le public cultivé dionysien et …les « parisiens ».
Réjouissez-vous donc qu’il vienne encore des gens dans cette ville, grâce au théâtre, même si ce n’est que pour le théâtre. On ne va tout de même pas rajouter l’isolement culturel à la ghettoïsation sociale…les parisiens chez eux, les dyonisiens chez eux…
Il me semble que le théâtre de la Commune, à Aubervilliers, du temps de Didier Bezace, rencontrait aussi cette difficulté d’attirer majoritairement des publics très peu locaux.
Et puis, si je ne me trompe, n’avez vous pas été vous même un (très bon, il faut le dire) responsable du festival de musique, qui attirait pour le coup (et le coût…) des artistes du monde entier, et pas des moindres ?
Sam, le mécénat privé instrumentalise TOUJOURS la culture et les centres dramatiques nationaux n’ont pas été créés pour ça. C’est un service (culturel) public. Le théâtre se doit d’être libre de toute dépendance à l’argent privé, c’est le sens depuis le début. La rentabilité n’est pas son but, contrairement à l’idéologie mercantiliste et utilitariste du moment. Sur scène, on ne vend pas du Shakespeare, mais de la liberté !
Et puis, il faut aussi le dire : c’est une activité qui a toujours été très subventionnée, c’est un choix politique extrêmement louable, qui veut que l’argent public serve à rendre le public plus libre, plus critique, plus éduqué ; c’est très français, et on peut être très fier de cette dimension. le théâtre de qualité est, sauf exception dans certains lieux à certains moments, structurellement déficitaire, cela ferait presque partie du jeu, dans certaines limites. Même maréchal à Marseille, quad son théâtre faisait plus d’abonnés que le stade de foot (véridique) ne povait être indépendant de l’apport de l’argent public. Les comptes étaient à l’équilibre, mais les billets ne payent jamais le spectacle entièrement. Les théâtres qui visent la rentabilité font du mauvais théâtre, toujours. Suffit d’aller à Paris voir certaines pièces promues par la télé…(je m’emballe, je m’emballe, mais j’y tiens !).
@Thierryb : Le succès du Festival de musique de Saint-Denis est dû à divers facteurs : le soutien de Radio-France et la participation de ses orchestres symphoniques; les compétences et le professionnalisme d’un haut niveau de Jean-Pierre Le Pavec, directeur du Festival durant de longues années, et de Nathalie Rappaport, déléguée générale puis directrice du Festival aujourd’hui; des lieux exceptionnels comme la Basilique et le Théâtre de la Maison de la Légion d’Honneur; un financement public et privé (le mécénat joue un rôle conséquent) très important.
Mais si vous voulez avoir l’opinion de suger, le Festival malgré son rayonnement n’a pas eu les effets d’entrainement que l’on aurait pu espérer. Les élus n’en attendent qu’un effet de communication pour l’image de la ville et n’ont jamais considéré la promotion de la musique classique comme un enjeu populaire. La preuve la plus flagrante est la situation du Conservatoire de musique, notamment l’état de se locaux, qui ne sont pas à la hauteur d’une ville de 100 000 habitants qui accueille un Festival d’ampleur nationale.
Ayant pu lire le rapport de la Cour des Comptes, j’ai pu constater que mon estimation haute (voir ci-dessus) se rapprochait du constat du coût pour les finances publiques d’une place au TGP (qui se situerait entre 101 et 132 euros selon les dépenses prises en compte). Chaque spectateur ne paie donc que 6 à 4% du coût total. Ceci amène la Cour des comptes à poser, elle aussi, la question de la composition sociale du public :
« Il apparaît donc que le prix payé par le spectateur tend à être résiduel par rapport au coût total de la place de spectacle, lorsque sont pris en compte l’ensemble des coûts. Cette quasi-gratuité, rendue possible par l’effort du contribuable, équivaut à la levée de toute barrière de prix.
Il reste à déterminer les types de population qui profitent de ce libre accès. Cette situation est donc un argument supplémentaire pour inciter le TGP à connaître les composantes sociales de son public.
En effet, si le subventionnement presque total des spectacles occasionnait principalement un effet d’aubaine pour les groupes les plus aisés ou pour ceux qui sont proches de la culture, il serait anti-redistributif et donc inéquitable. »