Les nuits Parisiennes, les nuits belles à Sienne, les nuits Dionysiennes…*

Un petit immeuble, certes un peu vieillot ; il a été construit il y a environ un siècle. Une vue dégagée entre l’église de l’Estrée, dessinée et construite par Eugène Viollet-le-Duc s’il vous plaît, et une belle école, l’école Jules Vallès construite en MDCCLXXV (**), je vous laisse traduire. Sur la façade du bâtiment en pierres de taille, cette fière devise : De l’Instruction naît la grandeur des Nations, eh oui en MDCCLXXV on avait des ambitions, Blanquer n’était pas né.
Tout à portée de main, le tramway en bas, la gare à 7/8 minutes, de l’autre côté le métro à 10 minutes. Tous les commerces, du coiffeur au pharmacien, du primeur au marchand de journaux … Ah non, lui, il a fermé. Rien ne manque pas même les putes et les dealers de shit au bas de l’immeuble.
Voilà le cadre idyllique au sein duquel, il y a une dizaine d’années, j’ai fixé mon nid. Mon nid, mon nid… façon de parler, je suis loin d’avoir ni l’âge ni le physique d’un oisillon.
Dans la journée, le quartier est animé, ça fourmille. Devant notre porte, une équipe de deux trois, parfois quatre personnes, fument du shit et en vendent un peu, juste un petit peu pour dépanner les copains. Ils boivent des cafés, balançant les tasses et gobelets vides devant notre porte, pissent contre le mur de l’immeuble, rien de bien méchant. Lorsqu’ils pénètrent dans le bâtiment, c’est proprement, en faisant le code ; nous le changeons ce code. Il ne leur faut que quelques heures pour découvrir le nouveau. Lors de leurs intrusions, certes ils forcent une porte de boîte au lettres pour stocker leur marchandise, mais, entendons-nous bien, une seule boîte aux lettres, ce sont des modérés, pas des sauvages. Vers 19 heures ils partent. Non ils n’ont pas été convaincus par le « travailler plus pour gagner plus » de qui vous savez.
Après une coupure arrive l’équipe de nuit, ceux-là ce sont des durs. Rien ne leur résiste, à plusieurs reprise ils ont cassé notre porte d’entrée. Ils ont broyé la porte menant à la cave ainsi que celle menant à une courette en partie couverte dans laquelle ils ont leurs habitudes… et certainement leur cachette.
Après avoir fracturé la porte de la cour, ils ont aménagé leur domaine dans un premier temps avec un canapé. Nous l’avons mis aux encombrant. Maintenant ils ont amené deux tabourets de bar et des chaises de bureau, du style chaise visiteur, chaise conférence. Du matériel de bonne qualité pas ce que l’on trouve dans Saint-Denis.
Je ne sais pas exactement où ces gens… »travaillent », parfois ils sont sous le porche de l’église, mais pas tout le temps. Environ une fois par heure, ils viennent toujours par deux, dans la courette et repartent immédiatement. Que viennent-ils faire ? S’approvisionner ? Le manège dure jusqu’à 2 heures du matin à cette heure il partent, parfois une grosse berline sombre vient les chercher.
D’autres soirs, ils s’accordent une pause et passent une partie de la nuit voire toute la nuit s’ils ne sont plus en état de repartir dans notre cour. Ils font salon, boivent force bières et fument… un tabac… très odorant. Ils discutent, s’engueulent, s’invectivent.
Dans ces moments, malheur à qui voudrait les déloger, les injures et les menaces fusent. Un voisin téméraire a pris, il y a peu, un coup de barre fer qui lui a valu un hématome au bras et une paire de lunettes cassée.
La nuit dernière, c’était jour de fiesta, tout comme mercredi de la semaine dernière, tout comme le mardi d’avant.
Vers 22 h 30 un voisin, que le nommerai Gaspard, je ne voudrais pas qu’il lui arrive quelque chose par ma faute. Gaspard donc appelé la police vers 22 heures, après une longue attente le 17 à décroché :
— Dans quelle ville êtes-vous ? a demandé une voix masculine.
— Ne quittez-pas, je vous transfère…
— … Vous êtes en relation avec Police-secours, votre numéro est identifié, tout abus sera sanctionné. Vous êtes en relation avec Police-secours, votre numéro est identifié, tout abus sera sanctionné. Vous êtes en relation…
Bref cette litanie a duré plus de 10 minutes montre en main. Il a raccroché, renouvelé plusieurs fois son appel. Enfin, ça a marché il a obtenu cette réponse :
— Désolé monsieur nous sommes en pleine relève pour l’instant nous ne pouvons rien pour vous.
Gaspard renouvela ses appels dans la nuit, sans plus de succès. Vers 2 heures du matin il a tenté un nouvel appel :
— Désolé monsieur, nous n’avons pas de voiture.
N’y pouvant il a explosé :
— Je vous donne 10 minutes et je descends m’en occuper moi même. De toutes façons vous n’avez plus le choix, il va falloir vous déplacer soit pour les virer, soit pour ramasser mon cadavre !
Quelques minutes plus tard une voiture de police était garée devant l’immeuble, sur les rails du tramway. Une autre est arrivée. Les policiers ont pénétrés dans le bâtiment, après avoir ouvert la porte à la dionysienne, d’un coup de botte. Ils ont virés nos squatters.
2 heures 35, ouf nous pouvons nous coucher et enfin dormir.
RH
* Les nuits Parisiennes, les nuits belles à Sienne, les nuits Dionysiennes : Clin d’œil à la chanson les nuits parisiennes deLouise Attaque.
** MDCCLXXV = 1775
Quel plaisir de lire à nouveau Bill.Une fois de plus nous pouvons partager ces belles nuits dionysiennes que nous passons tous les uns et les autres dans nos quartiers et où le temps de sommeil est bien court hélas. De la place du 8 mai au Barrage nous vivons sur un grand pied , pensez donc des restaurants les uns sur les autres , du tabac, des cigarettes à gogo ,des odeurs, des cris, des détritus , enfin quoi tout ce qui fait une ville agréable à vivre! Une ville apaisée comme dit l’édile en chef et son escouade de béni-oui-oui ! Dans cet Éden nous avons même repéré des espèces nouvelles , des singes hurleurs qui doivent avoir les oreilles sensibles au froid puisqu’ils portent toujours des capuches , et puis ils y en a d’autres qui semblent affamés , ils mangent à toute heure du jour une alimentation pas très variée… Ils ont aussi des habitudes tous les soirs vers minuit , ils pratiquent une sorte de rituel d’extinction des feux ,ils jettent leurs derniers hurlements aux vents qui les emporte…Dormez bonnes gens pourrait dire le veilleur municipal , s’il en existait un.Il n’en n’est rien il faut encore subir les bruits des commerces qui ferment , les départs bruyants des derniers clients, les radios des voitures en stationnement ,les klaxons d’adieu et puis ouf il est 1 h du matin! Quelques poivrots hurlent encore , le tramway s’arrête et sa voie va servir de piste d’entrainement …Les berlines foncées et aux vitres teintées espacent leurs visites d’approvisionnement, on va pouvoir dormir! Il est 5 h , 5h30 , les balayeuses-lessiveuses sont sorties du CTM et entrent en action…la nuit fût courte. Mais après les élections , elles ne nous dérangeront plus.
Dans « Le Canard Enchaîné » paru aujourd’hui 19 février :
Voilà qui ressemble tellement à ce que nous avons subi il y a dix ans dans une résidence du centre-ville…et qui nous a fait partir, fuir, dégoûtés par l’atmosphère d’une ville qui avait tant à donner à une époque (1985-2000 pour moi) en revendant tout juste au prix d’achat un appartement acquis avec optimisme, proche de nos lieux de travail, en se disant que la situation allait s’améliorer (pourtant, nous connaissions la ville pour y travailler depuis 20 ans et y vivre déjà..) et surtout en se croyant protégés (résidence fermée).
Nous avons subi pendant cinq ans : intrusions, bruits toute la nuit, et tout les étés, invivables – d’autant que la cité proche voyait les voitures brûler et les trafics s’intensifier – palettes brûlées sous nos fenêtres, interventions certes, mais sans effet notable, de la police, voitures personnelles dans le parking souterrain (fermé!) devenues lieu de repos pour les dealers, menaces « tu n’es pas chez toi, retourne chez toi ».
Et pour couronner le tout, les derniers mois : installation de dealers dans le hall d’entrée, tentatives de dialogue inutiles, personnes qui à demi-mot nous font comprendre qu’ : « ils ne font rien de méchant » et ne nous soutient pas, cache creusée dans le local d’ascenseur et finalement, agression sauvage et hôpital pour l’un des résidents qui, nouvellement arrivé, a cru de bonne foi qu’il pouvait les sermonner parce qu’ils l’empêchaient de dormir depuis des jours…
Si j’ajoute à ça les lignes téléphoniques et internet coupées par les voisins indélicats, avec la complicité d’un installateur qui a détourné notre réseau et m’a menacé quand j’ai exprimé mon scandale, je ne comprends même pas comment nous avons pu physiquement et psychologiquement ne pas tomber malades.
C’est pour cela que je ne comprends plus que la ville ne soit pas plus désertée par tous ceux qui supportent cet abandon des pouvoirs publics. En partant, nous avons sauvé notre santé (au prix d’une baisse de revenus) et nos convictions.
Nul ne me fera plus croire que les conditions sociales déterminent les comportements délictueux et si je reste fermement attaché aux valeurs d’égalité, cette expérience a transformé mon rapport à l’Etat et à l’autorité républicaine. Je ne dois pas être le seul.
Pour ma part je compte aussi partir, ce n’est plus vivable.
Il y aura le mois prochain 21 ans que j’habite à Saint Denis mais je n’en peux plus.
Je vous comprends ! En même temps j’espère que vous allez tenir jusqu’aux municipales ! on peut rêver que les choses vont évoluer si le pouvoir change de main. le chemin sera sans doute long mais l’important est qu’on vire ce bastion en ruine qui ne fait que paupériser la ville tout en ne prenant pas soin de la sécurité des gens.
Je vois bien que la police municipale ne met pas de priorité aux « nuisances » (je ne trouve pas ce terme approprié quand on vous empêche de vivre normalement chez vous, c’est vraiment une atteinte à la liberté) très souvent violentes des dealers et squatters de caves et autres.
C’est le maire qui dirige la police municipale…et qui en définit les priorités. Certes pas assez d’effectifs, mais à qui la faute ? Quand on met tout ce qui ne marche pas sur le compte de l’Etat, alors qu’on ne cesse de cracher sur lui – et sur la police ! Souvenons-nous de « Urgence la police nous assassine ». Et qu’on ne continue pas à construire tous azimut tant que la sécurité n’est pas assurée !
Je trouve que c’est effarant que la police ne réponde pas, ne se déplace pas pour des motifs soi-disant matériels , en tous cas je trouve ça suspect de non motivation et/ou de non priorité. Urgence, il faut changer de maire !
@Remi H
Comme je vous comprends! J’ai vécu la même chose ….et je suis parti.
Oh, pas loin; à 20 mn de là en voiture, la vie est normale, les gens se disent bonjour, s’arrêtent pour laisser passer quand on est dans les passages cloutés et l’atmosphère de St Denis, palpable dans l’épaisseur de l’air chargée d’irrespect permanent, est évaporée.
D’ailleurs certaines personnes de la mairie n’habitent pas dans la ville. On se demande pourquoi.
Donc , fuyez l’ami! Fuyez!
Ne laissez pas votre santé entre ces mains là.
Ils nous est arrivé plus ou moins la même histoire dans notre immeuble mais nous avons réagit tout de suite et nous avons porté plainte tout de suite pour dégradation . Le syndic aurait du tout de suite réparer la boîte aux lettres. Et porter plainte tout de suite pour la porte d’entrée (vous n’en parlez pas ?) La police nous a dit « quand ils sont installés on ne peut plus rien faire ». Donc nous nous sommes soudés entre voisins pour empêcher ces gens de s.installer. Et la police nous a vraiment aidé en faisant des rondes. Nous avions un lien direct avec la police. Nous avons été vraiment pris au sérieux. Nous avions même un contact avec une dame à la mairie qui suivait notre dossier.
La on a du mal à comprendre pourquoi les chaises ne sont pas jetées ? Et pourquoi la police n’a pas été appelée dès qu’ils sont dans la courette à 19h alors que c’est un lieu privé ? On ne peut pas juger la police sur un seul appel. Oui je sais c’est facile à dire et cela doit être dur à vivre mais je vous invite à demander à votre syndic de porter plainte.
Mais sachez que les chaises ont été jetées bien sûr. Encore que… dans un premier je me suis contenté des scier les pieds arrières. Puis j’ai jeté les chaises le jour des encombrants.
J’ai déconnecté la lumière de la courette.
La police a été appelée à maintes reprises.
Je crois qu’ils ne sont venus que 2 fois.
Quant au syndic, c’est un syndic Dionysien, vous connaissez leur efficacité ? Le notre est le plus gentil des 4 Il nous dit toujours oui… Ne fais jamais rien.
Cet endroit mérite de figurer dans les guides touristiques concernant Saint- Denis.
Il valorise en effet puissamment cette si belle ville !